vendredi 14 juillet 2017

Un portait pour s’aimer tel que l’on est

"Myrtille, une photographe au grand coeur"
Catégorie : Yooneeder à la une

C’est au fond d’un atelier en plein milieu du 9ème arrondissement de Paris que je retrouve Myrtille. Elle partage cette espace réduit et animé avec son collègue Jean loup (Photographe lui aussi) et une entreprise sociale qui recycle livres/CD/ DVD pour leur redonner une nouvelle vie. Une partie des bénéfices de cette entreprise sont reversés à une association caritative.


D’un premier abord timide, Myrtille a la gentillesse de se confier un peu et nous raconter son histoire, son parcours et sa relation avec la photographie.
Son histoire commence à Villiers-le-Bel, commune du Val d’Oise (95) dont elle est originaire. De sa vie en banlieue sensible elle n’a gardé qu’un souvenir plutôt désagréable. Entre grands ensembles bétonnés, saleté, précarité et provocation, les désillusions sont nombreuses et l’envie de s’échapper et de sortir du marasme grandit en elle jusqu’à la fin du lycée.
Son bac « compta » en poche, elle s’installe à Paris ou elle découvre un autre monde, une bouffée d’oxygène. « S’installer à paris c’était enfin pour moi un début de réussite ! », dit-elle.
De Paris elle ne connaissait pas grand-chose juste le souvenir d’une pièce de théâtre avec sa classe rue Montmartre.  Notre professeur de collège nous avait amené voir la peste de Camus, je me souviens que pour beaucoup d’entre nous c’était la première fois que nous descendions à Paris. Je crois que la pièce mais également le sentiment de liberté associé à cette excursion parisienne m’ont profondément marqués.
Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai su que l’art dans sa forme la plus générale serait partie intégrante de ma vie. Cela a commencé avec les ateliers théâtre de la ville au collège et au lycée, puis je me suis dirigé vers des études théâtrales à la fac à paris.
Ma vie parisienne se partageait entre étude à la fac, actrice dans des troupes amateurs et professionnelles, et petits boulots alimentaires."
Mais si les lustres parisiens, la conquête d’une liberté nouvelle, et son amour du théâtre ont réussi à maintenir son enthousiasme et sa motivation pendant les premières années, la lassitude d’une profession précaire ou la reconnaissance se fait attendre parfois trop longtemps l’on convaincue de passer à autre chose.
Comme tout virage dans la vie il est souvent le résultat d’un savant dosage de volonté personnelle et de chance. Sa chance comme elle l’explique « c’est ma rencontre avec Jean Loup ». L’expérience de Jean Loup, vieux briscard de la photo de mode qui fut publié dans les plus grands magazines, son professionnalisme, sa technique, son regard bienveillant sur les modèles qu’il ne considère pas uniquement comme des objets de consommation visuelle font de lui le parfait mentor de Myrtille alors jeune débutante dans le métier.
A l’occasion d’un voyage à Jérusalem ou’ elle remplace son mentor sur une exposition dédiée au sel, elle fait la rencontre de plusieurs femmes palestiniennes. L’idée germe dans son esprit de pouvoir photographier ces femmes. Elle décide alors d’aller à leur rencontre dans la rue, chez leur famille.
« Tout s’est déroulé assez rapidement, c’était assez instinctif finalement. Au cours de mes pérégrinations dans la ville je regardais ces femmes dans la rue et je ne pouvais m’empêchais de penser à leur image véhiculée dans les medias. Des visages tordus de douleur, qui exprime la tristesse et le désarroi pourtant ce n’est pas ce que je voyais là à deux mètres de moi. En faisant cette exposition finalement je voulais redonner à leur image leur vérité profonde au-delà de l’utilisation médiatique, je pense que c’est aussi pour cela que le visage est si important chez moi. C’était d’une certaine manière redonner à ces femmes de la dignité.
En résidence d’artiste au centre culturel de Jérusalem, elle réussit le défi de conjuguer prises de vue, post-production, montage de l’exposition et trois vernissages en 5 semaines !
L’exposition est un réel succès, c’est le début d’une certaine reconnaissance.
Puis c’est le moment du retour, « tu ne vois plus la vie de la même façon et tu apprends beaucoup sur toi-même, tu prends confiance en toi aussi ».
« En partant là-bas je ressentais une certaine nécessité d’aller voir ce qu’il se passait de l’autre côté du miroir. » J’y ai trouvé ces femmes et j’y ai trouvé aussi le reflet d’une certaine maturité autant artistique que personnelle.
Fort du succès de l’exposition, elle désire faire la même chose avec des femmes israéliennes dans le but de présenter une double exposition sur les femmes israéliennes et palestiniennes. L’expo est présentée au FIAP en 2009.
Puis dans le cadre du centenaire de la journée de la femme, la commune de Gentilly lui propose de photographier les femmes de Gentilly pour afficher leurs portraits en grand format. C’est une expo tournante qui passe de quartier en quartier.
A travers ces portraits le talent de Myrtille c’est sa capacité à mettre ses modèles en valeur de telle sorte qu’ils portent un regard objectif sur eux même.
Mais finalement avoue-t-elle « ce que je cherche à donner aux autres je le cherche aussi chez moi. Reconnaissance, respect, faire sortir le meilleur de toi à travers ta propre image c’est toujours ce que j’essaie d’atteindre dans mon travail. »
Cette sincérité j’arrive à la capter de manière instinctive. C’est la raison pour laquelle j’aime voyager léger pour avoir une grande liberté de mouvement. J’utilise le Canon 5DMark2, c’est un reflex à la qualité d’image époustouflante, le piqué est exceptionnel mais du coup ça demande une attention toute particulière à la mise au point. Le grip facilite la prise en main c’est parfait pour les portraits ou je dois être mobile et rapide à la fois. C’est aussi pour ça que je n’utilise jamais de trépied. La liberté c’est très important pour moi.
J’ai toujours considéré l’appareil photo comme le prolongement de ma main. D’ailleurs quand je me suis fait volé mon premier appareil c’était comme si on m’enlevait une partie de moi-même.
Quand on lui demande quel serait pour elle ses figures emblématiques de la photographie elle répond : Doisneau, Avedon, Charlotte March, Sarah Moon. « Leur point commun, dit-elle, serait le soucis de la vérité, c’est-à-dire faire transparaitre une sincérité brute associée à un sens de l’esthétisme revendiqué. »
Mais celui qu’elle admire avant tout c’est Jean Loup son collègue, ami et mentor. "Ce que j’aime et respecte profondément chez lui c’est son rapport aux femmes. Contrairement à beaucoup de photographes de mode il ne considère pas ses mannequins comme des portes manteaux, on arrive à percevoir dans ses photos l’intelligence des femmes."
Quant à ses futurs projets on revient inexorablement vers la femme, les femmes, toutes les femmes avec un projet de portraits des femmes du monde entier et une grande exposition itinérante aux quatre coins du monde. "C’est un de mes plus grands rêves" dit-elle.
Pour cette photographe de talent qui a déjà relevé tant de défis, on serait tenté de dire : « rien n’est impossible ! »
Patrick Brouchet
Merci à Myrtille Dupont
Source : http://www.yooneed.com/des-yooneeders-a-la-une/384-un-portait-pour-aimer-tel-que-on-est.html

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