C’est
au fond d’un atelier en plein milieu du 9ème arrondissement de Paris
que je retrouve Myrtille. Elle partage cette espace réduit et animé avec
son collègue Jean loup (Photographe lui aussi) et une entreprise
sociale qui recycle livres/CD/ DVD pour leur redonner une nouvelle vie.
Une partie des bénéfices de cette entreprise sont reversés à une
association caritative.
D’un premier abord timide, Myrtille a la gentillesse de se confier un
peu et nous raconter son histoire, son parcours et sa relation avec la
photographie.
Son histoire commence à Villiers-le-Bel, commune du Val d’Oise (95)
dont elle est originaire. De sa vie en banlieue sensible elle n’a gardé
qu’un souvenir plutôt désagréable. Entre grands ensembles bétonnés,
saleté, précarité et provocation, les désillusions sont nombreuses et
l’envie de s’échapper et de sortir du marasme grandit en elle jusqu’à la
fin du lycée.
Son bac « compta » en poche, elle s’installe à Paris ou elle découvre
un autre monde, une bouffée d’oxygène. « S’installer à paris c’était
enfin pour moi un début de réussite ! », dit-elle.
De Paris elle ne connaissait pas grand-chose juste le souvenir d’une
pièce de théâtre avec sa classe rue Montmartre. Notre professeur de
collège nous avait amené voir la peste de Camus, je me souviens que pour
beaucoup d’entre nous c’était la première fois que nous descendions à
Paris. Je crois que la pièce mais également le sentiment de liberté
associé à cette excursion parisienne m’ont profondément marqués.
Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai su que l’art dans sa forme
la plus générale serait partie intégrante de ma vie. Cela a commencé
avec les ateliers théâtre de la ville au collège et au lycée, puis je me
suis dirigé vers des études théâtrales à la fac à paris.
Ma vie parisienne se partageait entre étude à la fac, actrice dans
des troupes amateurs et professionnelles, et petits boulots
alimentaires."
Mais si les lustres parisiens, la conquête d’une liberté nouvelle, et
son amour du théâtre ont réussi à maintenir son enthousiasme et sa
motivation pendant les premières années, la lassitude d’une profession
précaire ou la reconnaissance se fait attendre parfois trop longtemps
l’on convaincue de passer à autre chose.
Comme tout virage dans la vie il est souvent le résultat d’un savant
dosage de volonté personnelle et de chance. Sa chance comme elle
l’explique « c’est ma rencontre avec Jean Loup ». L’expérience de Jean
Loup, vieux briscard de la photo de mode qui fut publié dans les plus
grands magazines, son professionnalisme, sa technique, son regard
bienveillant sur les modèles qu’il ne considère pas uniquement comme des
objets de consommation visuelle font de lui le parfait mentor de
Myrtille alors jeune débutante dans le métier.
A l’occasion d’un voyage à Jérusalem ou’ elle remplace son mentor sur
une exposition dédiée au sel, elle fait la rencontre de plusieurs
femmes palestiniennes. L’idée germe dans son esprit de pouvoir
photographier ces femmes. Elle décide alors d’aller à leur rencontre
dans la rue, chez leur famille.
« Tout s’est déroulé assez rapidement, c’était assez instinctif
finalement. Au cours de mes pérégrinations dans la ville je regardais
ces femmes dans la rue et je ne pouvais m’empêchais de penser à leur
image véhiculée dans les medias. Des visages tordus de douleur, qui
exprime la tristesse et le désarroi pourtant ce n’est pas ce que je
voyais là à deux mètres de moi. En faisant cette exposition finalement
je voulais redonner à leur image leur vérité profonde au-delà de
l’utilisation médiatique, je pense que c’est aussi pour cela que le
visage est si important chez moi. C’était d’une certaine manière redonner
à ces femmes de la dignité.
En résidence d’artiste au centre culturel de Jérusalem, elle réussit
le défi de conjuguer prises de vue, post-production, montage de
l’exposition et trois vernissages en 5 semaines !
L’exposition est un réel succès, c’est le début d’une certaine reconnaissance.
Puis c’est le moment du retour, « tu ne vois plus la vie de la même
façon et tu apprends beaucoup sur toi-même, tu prends confiance en toi
aussi ».
« En partant là-bas je ressentais une certaine nécessité d’aller voir
ce qu’il se passait de l’autre côté du miroir. » J’y ai trouvé ces
femmes et j’y ai trouvé aussi le reflet d’une certaine maturité autant
artistique que personnelle.
Fort du succès de l’exposition, elle désire faire la même chose avec
des femmes israéliennes dans le but de présenter une double exposition
sur les femmes israéliennes et palestiniennes. L’expo est présentée au
FIAP en 2009.
Puis dans le cadre du centenaire de la journée de la femme, la
commune de Gentilly lui propose de photographier les femmes de Gentilly
pour afficher leurs portraits en grand format. C’est une expo tournante
qui passe de quartier en quartier.
A travers ces portraits le talent de Myrtille c’est sa capacité à
mettre ses modèles en valeur de telle sorte qu’ils portent un regard
objectif sur eux même.
Mais finalement avoue-t-elle « ce que je cherche à donner aux autres
je le cherche aussi chez moi. Reconnaissance, respect, faire sortir le
meilleur de toi à travers ta propre image c’est toujours ce que j’essaie
d’atteindre dans mon travail. »
Cette sincérité j’arrive à la capter de manière instinctive. C’est la
raison pour laquelle j’aime voyager léger pour avoir une grande liberté
de mouvement. J’utilise le Canon 5DMark2, c’est un reflex à la qualité
d’image époustouflante, le piqué est exceptionnel mais du coup ça
demande une attention toute particulière à la mise au point. Le grip
facilite la prise en main c’est parfait pour les portraits ou je dois
être mobile et rapide à la fois. C’est aussi pour ça que je n’utilise
jamais de trépied. La liberté c’est très important pour moi.
J’ai toujours considéré l’appareil photo comme le prolongement de ma
main. D’ailleurs quand je me suis fait volé mon premier appareil c’était
comme si on m’enlevait une partie de moi-même.
Quand on lui demande quel serait pour elle ses figures emblématiques
de la photographie elle répond : Doisneau, Avedon, Charlotte March,
Sarah Moon. « Leur point commun, dit-elle, serait le soucis de la vérité,
c’est-à-dire faire transparaitre une sincérité brute associée à un sens
de l’esthétisme revendiqué. »
Mais celui qu’elle admire avant tout c’est Jean Loup son collègue,
ami et mentor. "Ce que j’aime et respecte profondément chez lui c’est son
rapport aux femmes. Contrairement à beaucoup de photographes de mode il
ne considère pas ses mannequins comme des portes manteaux, on arrive à
percevoir dans ses photos l’intelligence des femmes."
Quant à ses futurs projets on revient inexorablement vers la femme,
les femmes, toutes les femmes avec un projet de portraits des femmes du
monde entier et une grande exposition itinérante aux quatre coins du
monde. "C’est un de mes plus grands rêves" dit-elle.
Pour cette photographe de talent qui a déjà relevé tant de défis, on serait tenté de dire : « rien n’est impossible ! »
Patrick Brouchet
Merci à Myrtille DupontSource : http://www.yooneed.com/des-yooneeders-a-la-une/384-un-portait-pour-aimer-tel-que-on-est.html
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